Docteur Jean-Martin Charcot

ligne
jean_martin_charcot_3

Alors que le Dr Charcot enseignait l’anatomie pathologique à l’Université de Paris (1860-1893), il fut nommé en 1862 à l’hôpital parisien de la Salpêtrière, où il devait rester de longues années et où il ouvrit en 1882 ce qui allait devenir la plus grande clinique neurologique d’Europe.
Professeur réputé, il attira des étudiants de toutes les parties du monde. Le plus célèbre d’entre eux fut, en 1885, Freud, dont l’intérêt pour les origines psychologiques de la névrose fut stimulé par l’emploi que faisait Charcot de l’hypnose, en vue de découvrir une base organique à l’hystérie.
Sa contribution à l’étude de la physiologie et de la pathologie du système nerveux a été fondamentale. On lui doit notamment la description de la sclérose en plaques et de la sclérose latérale amyotrophique (maladie de Charcot).

Brillant conférencier, excellent écrivain, il fut élu membre de l’Académie de médecine (1873) et de l’Académie des sciences (1883). Ses cours, à la Salpêtrière, étaient des événements scientifiques et mondains. Son ouvrage le plus important est le recueil de ses Leçons sur les maladies du système nerveux faites à la Salpêtrière, qui ont été publiées en trois volumes en 1885-1887, puis traduites dans toutes les langues. Sous son influence, la maladie mentale commença à être systématiquement analysée ; et l’hystérie, à l’étude de laquelle il se consacra à partir de 1870, fut distinguée des autres affections de l’esprit.

Ses travaux ont conduit à écarter le soupçon de simulation de la part des malades dans la manifestation des crises ou des symptômes hystériques, et il a été le premier à employer l’hypnose comme moyen de traitement. Il demeurait convaincu que la cause fondamentale de l’hystérie résidait dans une dégénérescence, d’origine héréditaire, du système nerveux; interprétation que Sigmund Freud, qui fut son élève d’octobre 1885 à février 1886, devait définitivement réfuter.

CHARCOT et l’École de la Salpêtrière (1878-1884)

jean_martin_charcot_2

Après cette présentation sommaire du Docteur Jean-Martin CHARCOT qui a donné son nom à notre établissement, il nous est apparu nécessaire de mieux présenter les traits dominants de son œuvre et de sa vie, ainsi qu’un certain nombre de réserves, voire de critiques concernant ses travaux.
Lorsqu’il commence à s’intéresser à l’hypnose en 1878, CHARCOT est arrivé au faîte de sa carrière. Il est l’une des gloires de la médecine française. Ses travaux de neurologie lui ont valu une réputation internationale et l’on créera pour lui en 1882, la première chaire mondiale de neurologie. A cette période de sa vie, CHARCOT fut attiré par la philosophie, la psychologie, et l’étude des mécanismes des fonctions cérébrales.
Il choisit en dehors de ses élèves des collaborateurs appartenant aux disciplines philosophiques et écrivit ces lignes : « Jusqu’à présent, on s’est habitué à mettre la psychologie à part, on l’enseigne au collège, mais c’est une psychologie à l’eau de rose qui ne peut servir beaucoup.
C’est une autre psychologie qu il faut créer, une psychologie renforcée par les études pathologiques auxquelles nous nous livrons. »
CHARCOT était essentiellement neurologue, il n’était pas psychiatre ; en tant que neurologue, il s’occupait de la physiologie de l’hypnotisé, de ses mouvements, de ses réflexes et il passait complètement à côté des phénomènes psychologiques.
CHARCOT, qui expérimentait surtout chez les hystériques, considérait l’état hypnotique développé chez eux comme une véritable névrose constituée essentiellement par trois états différenciés que l’on peut transformer, l’un en l’autre, au moyen de différents artifices techniques.

Ces trois états sont :

  • Le premier : l’état de léthargie. Il s’obtient par fascination, soit par compression des globes oculaires à travers les paupières baissées ;
  • Le second : l’état cataleptique. Les membres restent immobilisés dans l’attitude qu’on leur donne ;
  • Le troisième : l’état somnambulique qui peut être obtenu par fixation du regard et par diverses pratiques.

Ces trois phases constituent ce que CHARCOT a appelé le grand hypnotisme ou la grande névrose hypnotique.
A côté du grand hypnotisme, il y a de petits hypnotismes dont les phénomènes sont moins tranchés, comme il y a la grande hystérie et les états hystériques mineurs.
CHARCOT parlait de transfert, sans l’intervention de la suggestion, par un simple phénomène physique et physiologique dû à l’aimant.
Malheureusement, si les travaux de CHARCOT sur l’hystérie et les névroses furent fréquemment l’objet de critiques erronées, ses recherches sur l’hypnose, la rnétalloscopie, la métallothérapie, publiées par lui-même ou par ses collaborateurs, ont soulevé des objections souvent justifiées. Certains de ses élèves parmi les plus brillants, s’ils ne tarissent pas d’éloges sur la valeur du maître ont été cependant critiques.
Par exemple, BERNHEIM a démontré formellement que l’hypnotisme de la Salpêtrière avec ses trois phases et ces phénomènes caractéristiques de léthargie, de catalepsie et de somnambulisme, les phénomènes de transfert n’existent pas, que ces phénomènes divers ne se produisent pas tant que le sujet ne sait pas s’ils doivent se produire. La suggestion seule et l’imitation les ont réalisés.
De son côté, le Professeur GUILAIN a écrit très justement : « CHARCOT a eu le tort de ne pas surveiller ses expériences. Il assurait le matin son service d’hôpital avec une régularité et une conscience exemplaires.
Mais, comme tous les médecins de cette génération, il ne revenait pas dans son service l’après-midi. Ce furent donc ses chefs de clinique, ses internes, ses assistants qui préparaient les malades, les hypnotisaient, organisaient les expériences. »

Par ailleurs, BABINSKI, reconnaît que CHARCOT « eut le tort de faire ses cliniques sur la grande hystérie et sur l’hypnotisme non seulement pour des médecins mais aussi pour un public non médical; ses leçons attiraient les gens du monde, des acteurs, des littéraires, des magistrats, des journalistes, des hommes politiques et quelques médecins. La présentation des sujets en état de léthargie, de catalepsie, de somnambulisme, de sujets présentant des crises violentes, ressemblaient trop à de la mise en scène théâtrale ».
Axel MUNTHE écrivain suédois qui, dans sa jeunesse, fit une partie de ses études de médecine à Paris, raconte dans le livre de San Michele ses souvenirs de la Salpêtrière au temps de CHARCOT. Les chapitres 18 et 19, il est vrai, ont été expurgés dans certaines éditions françaises pour ne pas nuire à la mémoire du grand homme. Axel Munthe y décrit parfaitement l’ambiance de l’amphithéâtre de CHARCOT qui était devenu le rendez-vous mondain du Tout-Paris comme autrefois l’hôtel particulier de MESME, ou plus récemment dans le domaine de la psychanalyse le Professeur LACAN.
Enfin, FREUD évoquant sa rencontre avec CHARCOT dans son ouvrage « Ma vie et la psychanalyse » rapporte: « en octobre 1885, j’entrai comme élève à la Salpêtrière, mais j’y fus, au début, perdu parmi tous les élèves accourus de l’étranger, donc peu considéré. Un jour j’entendis CHARCOT regretter que le traducteur allemand de ses leçons n’eût plus donné signe de vie depuis la guerre. Il aimerait que quelqu’un entreprît la traduction de ses « Nouvelles Leçons ». Je lui écrivis pour m’offrir à lui, je me souviens même que la lettre contenait ce bout de phrases: je n’étais affecté que de l’aphasie motrice, mais non de l’aphasie sensorielle du français. CHARCOT m’agréa, m’introduisit dans son intimité et depuis lors j’eus ma pleine part de tout ce qui avait lieu à la clinique ». FREUD dit encore: « de tout ce que je vis chez CHARCOT, ce qui me fit le plus d’impression, ce furent ses dernières recherches, poursuivies en partie encore sous mes yeux. Aussi, la constatation de la réalité et de la légalité de phénomènes hystériques, la présence fréquente de l’hystérie chez l’homme, la production de paralysies et de contractures hystériques de par la suggestion hypnotique, et ceci que ces productions artificielles présentassent jusque dans le détail les mêmes caractères que les manifestations spontanées.

Bien des démonstrations de CHARCOT avaient chez moi, comme chez d’autres élèves étrangers, éveillé d’abord de l’étonnement et une tendance à la contradiction. CHARCOT répondait toujours à nos objections avec affabilité et patience, mais aussi avec beaucoup de décision ; dans l’une de ces discussions, il laissa tomber ces mots: « Ca n’empêche pas d’exister », paroles qui devaient s’imprimer en moi de façon inoubliable.
On sait que tout ce que CHARCOT nous enseignait alors ne s’est pas maintenu. Une partie en est devenue incertaine, une autre n’a évidemment pas subi l’épreuve du temps. Mais il est demeuré assez de cette oeuvre pour pouvoir constituer un patrimoine durable de la science. Avant que je ne quittasse Paris, je concertai avec le Maître le plan d’un travail ayant pour but la comparaison entre les paralysies hystériques et les organiques.
Je voulais y démontrer la thèse que, dans l’hystérie, les paralysies et anesthésies des diverses parties du corps sont délimitées suivant la représentation populaire (non anatomique), que s’en font les hommes. Il était d’accord avec moi, mais on pouvait aisément voir qu’au fond il n’avait aucune prédilection pour une étude psychologique approfondie de la névrose. Il était venu de l’anatomie pathologique. »
« Je ne puis dissimuler une question qui s’est posée souvent à mon esprit. Il y avait autour de CHARCOT des assistants d’une haute valeur scientifique, doués d’un esprit critique pénétrant, d’une valeur morale absolue. Il me paraît impossible que plusieurs d’entre eux n’aient pas eu de doute sur la sincérité des sujets, n’aient pas compris l’invraisemblance de certains faits. Pourquoi n’ont-ils pas mis en garde CHARCOT ? La seule explication que je conçois avec toutes les réserves qu’elle comporte, c’est qu’ils n’ont pas osé alerter CHARCOT, craignant les réactions violentes du Maître, que l’on appelait le César de la Salpêtriêre. »
CHARCOT lui-même, un peu tardivement d’ailleurs, finit par se rendre compte, peu avant sa mort, que le terrain sur lequel il s’était engagé était fort peu solide, aussi prit-il la décision de reprendre dans son ensemble la question de l’ hystérie et de l’ hypnose. Malheureusement, souffrant d’une insuffisance coronarienne chronique sévère, il devait mourir à peu de temps de là en 1893 d’un infarctus du myocarde.

« La foi qui guérit »
Archives de neurologie, XXV, 1893

« Sur un cas d’amnésie rétro-antérograde, probablement d’origine hystérique »
Revue de Médecine, XII, 1892

« Oeuvres complètes, Leçons sur les maladies du système nerveux »
Ed. Progrès Médical, 1890 – Charcot et Paul Richer

« Les difformes et les malades dans l’art »
Ed. Lecrosnier et Babé, 1889 – Charcot et Paul Richer

« Les démoniaques dans l’art »
Ed. Delahaye et Lecrosnier, 1887

« Sur les divers états nerveux déterminés par l’hypnotisation des hystériques »
Comptes-rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences, XCIV, 1882

Leçons cliniques sur les maladies des vieillards et les maladies
chroniques recueillies et publiées par B. Ball, A. Delahaye, 1874